Réaction de l’Inter-LGBT suite aux nouvelles dispositions de sélection pour le don du sang
Le 11 janvier 2022, le ministre de la Santé a publié un arrêté supprimant toute question relative à l’orientation sexuelle des donneur·se·s de sang. Dès le 16 mars 2022, l’ensemble des candidat·e·s au don du sang devront attester n’avoir pas eu plus d’un·e partenaire sexuel·le durant les quatre derniers mois.
Cette décision, qui tient compte des longs travaux d’un comité de suivi mis en place, et dont l’Inter-LGBT est membre, met un terme à une interdiction totale aux hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes (HSH) de donner leur sang à partir de 1983, prise et dans le contexte de la flambée de la pandémie de Sida. Certes, depuis 2016, cette interdiction avait été levée mais une période d’un an d’abstinence était imposée aux HSH, paralysant les effets de cette mesure.
Bien que finalement ramenée à quatre mois, l’exigence d’une période d’abstinence restait contraire à l’esprit de la loi et empêchait, de fait, de nombreux HSH de donner leur sang.
L’Inter-LGBT salue cette annonce, qui est une étape clé dans un long combat mené par de nombreuses associations (sur la base d’études scientifiques) et jalonné de trop nombreuses promesses non suivies d’effets.
L’Inter-LGBT n’aurait jamais soutenu une décision qui aurait fait courir un risque significativement majoré aux receveurs comme aux donneurs. Le risque résiduel est dans ce cas si faible que la balance bénéfice/risque penche nettement favorablement à l’arrêt des interdictions et restrictions qui, si elles avaient été maintenues, auraient clairement constitué une discrimination.
Cependant, des zones d’ombre, des interrogations subsistent, des pistes restent à approfondir.
Tout d’abord, force est de constater que les femmes ayant des relations multiples avec d’autres femmes, qui ne subissaient aucune restriction selon les critères de risques arrêtés par les autorités, sont maintenant exclues du don du sang. Difficile de ne pas y voir une régression pour ces personnes…
Cela dit, la mise en place de ces nouveaux critères impose un travail de formation et d’information auprès des médecins de prélèvement de l’Établissement français du sang, malheureusement peu au fait des nouvelles stratégies de prévention du VIH. Les associations LGBTQI membres de l’Inter-LGBT entendent jouer pleinement leur rôle dans l’information de ces professionnel·le·s, tout comme auprès des HSH afin de les sensibiliser sur leur responsabilité sociétale au moment de devenir donneur·se·s de sang.
L’Inter-LGBT appelle également les pouvoirs publics à redoubler d’efforts afin d’encourager au dépistage des infections sexuellement transmissibles.
En outre, nous serons attentif·ve·s à l’inclusion des personnes transgenres au don du sang et à l’amélioration dans leur accueil. Nous avons soulevé tout au long de notre travail au comité de suivi la persistance de difficultés. Une personne trans est identifiée par l’EFS en fonction de son sexe à l’état civil et non pas par son genre ressenti.
Enfin, plusieurs groupes restent exclus du don du sang : les partenaires séronégatif·ve·s de personnes vivant avec le VIH dont la charge virale est indétectable sont interdit·e·s de don, tant qu’elles ont des rapports sexuels avec leur partenaire ; les usager·e·s de la PrEP (prophylaxie préexposition) et les ancien·ne·s malades de l’hépatite C, alors que l’arrivée des antiviraux à action directe a révolutionné l’éventail thérapeutique contre le VHC et permettent d’envisager l’objectif onusien à l’horizon 2030 de l’élimination de cette épidémie.
Bien que l’Inter-LGBT, très attachée à la sécurité transfusionnelle, entende la prudence ayant justifié ces exclusions, elle s’interroge sur leur pertinence. Il semble que l’EFS et la direction générale de la santé sont dans la négation d’une réalité scientifiquement établie depuis 2012 : une personne séropositive dont la charge virale est indétectable dans le sang grâce aux antirétroviraux protège d’une contamination un·e partenaire séronégatif·ve (mode de prévention connu sous l’acronyme TasP[1] ou I=I[2]). Il en est de même concernant la PrEP, dont la pertinence comme mode de prévention du VIH est aujourd’hui pleinement attestée.
Nous appelons les pouvoirs publics et leurs agences à étudier, à brève échéance, la prise en compte des données scientifiques actualisées, et le lancement de nouvelles études en tant que de besoin, afin de trouver, dans le cadre des instances de suivi, une réponse à apporter aux personnes qui s’estiment injustement évincées.
L’Inter-LGBT demande donc :
- Une communication inclusive sur l’accès au don, compte-tenu de la fin du critère sur l’orientation sexuelle,
- Des éclaircissements à apporter par l’EFS sur l’accueil des personnes trans,
- La prise en compte du TasP, de la PrEP et des personnes guéries de l’hépatite C dans la révision des critères d’inclusion de plus grande ampleur prévue ultérieurement.
[1] TasP : Treatment as Prevention (traitement comme mode de prévention)
[2] (Virus) Indétectable = Intransmissible