La transphobie tue et l’institution éducative est complice !
L’Inter-LGBT est profondément choquée d’apprendre à nouveau la mort d’une jeune personne trans victime de discriminations. Toutes nos pensées vont à ses proches, et nous nous adressons au gouvernement pour dénoncer la gravité des situations vécues par les personnes trans entrainant de tels drames.
Le 16 décembre dernier, une jeune lycéenne transgenre[1] du lycée Fénelon de Lille, s’est suicidée suite à une énième humiliation subie dans son lycée par le personnel de direction.
Suite au refus de prise en compte de son identité féminine, elle subit des discriminations de la part de l’établissement comme le montre une vidéo[2] faite par elle-même et relayée par ses camarades après son décès. Renvoyée du lycée pour sa tenue, elle s’est donné la mort, malgré le soutien et la solidarité des autres élèves. Alors que l’établissement annonce la mort « d’un » élève, affirmant le refus de prendre en compte l’identité de la jeune fille, le rectorat défend ce dernier. Niant la responsabilité dans ce drame et argumentant que la lycéenne aurait eu « beaucoup de problèmes », le rectorat ainsi que l’association de parents d’élèves FCPE refusent de relier l’exclusion au suicide.
Quel prétexte pour refuser d’inclure dans les « divers problèmes » cités son exclusion et le refus de considérer son identité, ce qui constitue une discrimination au regard de l’article 225.1 du code pénal ?
Pourquoi fin 2020 en France, des personnes trans doivent mettre fin à leurs jours pour stopper le supplice de la transphobie systémique ?
Pourquoi malgré les promesses des différents ministres rien n’est réellement fait pour changer les choses et protéger les personnes trans ?
Pourquoi les personnels de l’éducation nationale sont-ils aussi peu formés et pourquoi lorsqu’ils agissent de manière aussi irresponsable ne sont-ils pas sanctionnés ?
Ces questions justifient à quel point les personnes trans sont négligées par nos responsables politiques et administratifs. Trop de cas d’exclusions, de rejets et de non-accompagnement nous sont remontés. Il s’agit bien d’un rejet récurrent de la part des équipes éducatives. L’école « de la confiance, laïque et républicaine » doit être un lieu de protection des jeunes, un lieu d’apprentissage de la tolérance et du respect. Il n’est pas normal que cette élève rejetée par sa famille suite à son coming-out trans, n’ait pas pu trouver l’acceptation et le soutien dans son établissement scolaire.
Cette situation inacceptable est dénoncée depuis longtemps par l’ensemble des associations LGBTQI+, mais aussi par les organisations syndicales d’étudiant·e·s et de professeur·e·s, qui demandent une vraie politique ambitieuse de lutte contre les discriminations et d’accompagnement. Nous réclamons depuis longtemps des circulaires qui protègent les personnes trans et qui forment et obligent les personnels de l’éducation nationale à agir de manière juste, inclusive et responsable. Le plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+, présenté par la ministre Élisabeth Moreno en octobre 2020, prévoit bien des formations et de la sensibilisation auprès des personnels. Il faut les mettre en place, et exiger que les établissements scolaires soient formés à ces questions. Il faut aller plus loin, il n’y a pas de réelles stratégies de changement systémique et de protection des victimes de ces injustices. Les personnels des établissements scolaires continuent d’agir, non pas en fonction de la loi mais en fonction de leur ressenti, de leur ignorance et/ou de leur transphobie. C’est inacceptable !
Après le suicide de Doona en septembre à Montpellier, cette tragédie nous rappelle encore à quel point les personnes trans peuvent être exclu·e·s des droits les plus fondamentaux comme la sécurité, la justice, l’accès aux soins, l’éducation, l’emploi, le logement. Les pays comme la France ne protègent que très peu les personnes trans, les lois les discriminent, la société patriarcale et binaire les rejette. Il n’est donc pas étonnant de constater que les personnes transgenres ont 10 fois plus de risques de se suicider que les personnes cis-genres (c’est-à-dire non transgenre) [3].
Nous ne pouvons tolérer que des comportements humiliants et criminels restent impunis et niés, le ministère de l’éducation et les rectorats doivent réagir en ce sens.
Il est impératif et urgent d’entamer de réelles stratégies d’inclusions afin de prévenir d’autres drames. L’inter-LGBT se joint aux proches de la victime, et leur témoigne tout son soutien.
Associations cosignataires : Les ActupienNEs, Beit Haveirim, Bi’Cause, Centre LGBTQI+ de Paris IDF, Comité LGBTI+ de Génération.s, Couleurs Gaies, David et Jonathan, Fièr·e·s et Révolutionnaires, Fiertés Pas-de-Calais, HES LGBTI+, Mobilisnoo, Pari-T, Solidarité Internationale LGBTQI
[1] Par respect pour la victime nous refusons d’utiliser son deadname (prénom assigné à la naissance) et sans certitude de son prénom d’usage (Avril ou Luna), nous préférons ne pas la nommer dans le texte
[3] Statistiques récoltées par TMMP (Trans Murder Monitoring Project) de TGEU (Transgender Europe) : https://transrespect.org/en/