Don du sang et abstinence imposée aux personnes gays et aux bis : 4 mois de trop !

Depuis la révision des critères d’exclusion du don du sang de l’été 2016, les gays et les hommes bisexuels devaient s’imposer une abstinence sexuelle d’un an avant de pouvoir donner leur sang. La Ministre des Solidarités et de la Santé a rendu sa décision cette semaine d’abaisser la période d’abstinence à 4 mois, au terme de travaux d’études menés depuis 2 ans. Même si cette nouvelle mesure permet de favoriser l’accès au don du sang aux HSH, elle n’est en rien un motif de réjouissance : c’est maintenir une logique de population à risque plutôt que d’évaluation des comportements sexuels individuels. C’est faire perdurer une logique stigmatisante plus du tout en accord avec les connaissances du VIH et des hépatites et issue d’un vieux monde sanitaire très discriminant.

L’épidémie du VIH demeurant à un rythme élevé chez les gays, les bis et autres HSH (hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes) est la raison invoquée par les autorités sanitaires pour ces critères spécifiques. C’est faire fi de la diversité des comportements sexuels, de leurs fréquences, des situations amenant à des risques de contamination au VIH et aux hépatites et de l’utilisation d’outils de protection contre ces IST. C’est pourtant ce que l’étude COMPLIDON a permis de mettre en avant concernant les comportements des donneurs, notamment homos et bis.

L’Inter-LGBT rappelle que tout rapport sexuel entre hommes n’est pas une source de risque pour un potentiel don, contrairement à ce que sous-entendent ces critères ne définissant pas ce qu’est un rapport à risque. Nous dénonçons également la poursuite d’une posture sérophobe étatique organisée, en maintenant l’interdiction des partenaires de personnes séropositives au VIH, d’autant plus quand la charge virale est indétectable, si elles et ils n’ont pas été abstinent·e·s sexuellement durant les 4 derniers mois précédant le don. Ces deux critères d’exclusion au don du sang envoient des messages contreproductifs en termes de prévention contre le sida et les IST et de stigmatisation des personnes gays et des bis.

Le débats lors des réunions du comité de suivi à également pointé l’influence d’une période d’abstinence trop strict, non réaliste et non viable sur la durée, poussant les personnes concernées à ne pas respecter ce critère. L’égalité de traitement entre tou·te·s assurerait un meilleur respect de ces critères, des comportements préventifs adéquats et des réponses au questionnaire pré-don reflétant la réalité, cela au bénéfice de la sécurité du don pour les receveur·se·s.

Enfin, la Ministre des Solidarités et de la Santé s’est prononcée à l’Assemblée Nationale au sujet du renforcement de l’information aux donneur·se·s, en amont du don, mesure étonnamment absente de son communiqué de presse du 17 juillet 2019 [1]. Elle s’appuie sur le projet INNOVADON 2020 que veut lancer l’EFS. C’était une de nos réclamations destinée à faire rentrer le donneur dans une dynamique de prise en compte de sa santé globale et d’adoption de comportements préventifs ; nous serons soucieux·ses de son contenu et de sa mise en œuvre effective, déjà échaudé·e·s par l’absence de communication lors des précédents changements de critères et des réunions à ce sujet qui n’ont débouché sur rien.

L’Inter-LGBT s’étonne également du calendrier annoncé, soit une révision effective dans 7 mois, alors que la modification du texte de l’arrêté est simple, tout comme sa mise en application, alors qu’il n’avait fallu que trois mois lors de la précédente révision de 2016. Nous déplorons également la méthode opérée pour diffuser ces annonces, par voie de presse, ignorant sciemment les associations avec lesquelles le Ministère a travaillé continuellement au sein du comité de suivi, qui devra poursuivre ses travaux dans ce nouveau cadre réglementaire avec l’ensemble des parties prenantes.

Dans ce contexte ne faisant que maintenir le critère d’abstinence pour les homos et bis au don du sang, nous le répétons : abstinence, 4 mois de trop !

Nous réclamons :

  • L’égalité de traitement entre tou·te·s quelle que soit son orientation sexuelle et non sérophobe par une évaluation basée sur les comportements individuels tout en maintenant le niveau de sécurité transfusionnel suffisant ;
  • La poursuite des études de compliance des donneur·se·s, à la suite de COMPLIDON ;
  • De nouveaux calculs de risques résiduels en fonction de plusieurs scenarii plus précis et sur des bases plus solides que ceux menés jusqu’à présent ;
  • L’information des donneur·se·s sur les critères d’exclusions et les moyens adéquats pour ne pas faire courir un risque aux receveur·se·s, dans tous les médias, généralistes comme communautaires ;
  • Le respect de la démocratie sanitaire en invitant à la table des discussions du Ministère les associations de travailleur·se·s du sexe et d’usager·e·s de drogues sur les critères d’exclusions visant leurs partenaires, renforcés en 2016 sans qu’elles aient été  auditionnées.

[1] https://solidarites-sante.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/don-du-sang-hsh